Green Martha

Robe de bébé

18 novembre 1894, La Famille
Courrier de la Mode
Ne trouvez-vous pas que, depuis longtemps, les chers bébés sont un peu délaissés?
Les mignons ne se préoccupent pas, il est vrai, des changements apportés à la mode, et pourvu que leurs poupées et leurs tambours leur restent, pourvu que leurs petites mères satisfassent tous leurs caprices, et les gâtent à qui mieux mieux, ils sont toujours contents.
Nous n’avons pas les mêmes raisons pour professer une telle indifférence. Il faut donc nous
occuper d’eux, et trouver les moyens de les pomponner sans toutefois faire de trop grosses
dépenses. Il est facile, avec les chers petits, d’arriver à ce résultat, car leur charme et leur grâce sont leur plus belle parure.
Pour les fillettes, les formes actuelles, sauf modifications,sont admises; la jupe évasée, les manches très bouffantes, le corsage rentré dans la jupe, les garnitures de rubans, et les piqûres s’emploient autant que pour les grandes personnes. On a abandonné les modes excentriques de 1’an dernier pour revenir à des formes plus simples et plus pratiques. Nous ne saurions nous en plaindre, cette simplicité étant la marque distinctive du bon goût. Voici plusieurs modèles, très gracieux, parmi lesquels vous pourrez faire un choix.
Robe de promenade en tissu bourru, écossais. La jupe, toute droite très froncée, est ornée dans le bas d’un large galon ouvragé ; le corsage, à empiècement de velours vert foncé, est froncé à la taille, et retenu sous une ceinture molle en velours vert; sur chaque épaulette,
un galon, semblable à celui de la jupe, vient se terminer en pointe au bas de l’empiècement. Manches à gros ballon, poignets serrés, col de velours.
Autre modèle, plus élégant, en petit drap beige, jupe unie; le corsage forme trois plis se réunissant à la taille. Autour des épaules, une berthe en velours mordoré forme col, et se termine à la taille; large ceinture de velours nouée et terminée par deux longs pans inégaux; larges manches bouffantes, haut poignets de velours. Ces deux toilettes sont ravissantes.
Pour les tout petits, la forme droite, Empire, est la plus jolie et la plus pratique. Les étoffes qui s’emploient cette année varient peu de celles dont on se servait précédemment. Le velours côtelé semble pourtant avoir toutes les sympathies. ]’ai vu dans ce genre, un mignon costume porté par un chérubin de deux ans. La petite robe à gros plis, en velours de chasse gris à toutes petits côtes, était relevée par un grand col marin, en soie gros grain crème, garni de guipure d’Irlande et ouvert sur un plastron de soie grise. Une ceinture de cuir blanc complétait ce bijou. Avec cela, un petit paletot bleu marine, à poches, et un béret posé sur de jolies boucles blondes donnaient au cher petit bonhomme un air conquérant tout à fait irrésistible.
Si nous examinons les changements apportés dans les vêtements des bébés en bas âge, nous verrons que, depuis de longues années, on tourne toujours dans le même cercle. En effet, la forme large et longue, adoptée par les mamans soucieuses des aises de leurs enfants, est celle qui réunit le plus de suffrages, un peu moins de broderie, un peu plus de rubans, un peu moins d’ampleur, des manches plus ou moins bouffantes, mais toujours l’empiécement carré ou rond et la robe froncée, longue pour les nouveaux nés, courte pour les grands personnages de un à deux ans. Voilà ce qui se porte et se portera longtemps encore.
Je reviendrai, du reste, sur ce sujet intarissable. Les chers mignons savent si bien nous tenir dans leurs petites menottes roses, que, lorsque je parle d’eux, je ne sais plus m’arrêter. Il le faut, pourtant. Que diraient les grandes sœurs, si je les abandonnais trop longtemps ?
Les chapeaux pour l’hiver adoptent la forme un peu enveloppante des anciens cabriolets. C’est plus chaud et plus pratique. Le bonnet à trois pièces subsiste encore pour les tout jeunes enfants. Est-il, d’ailleurs, rien de plus ravissant qu’une frimousse éveillée encadrée par cette auréole de cygne ou de dentelle.
Jeunes mamans, écoutez un conseil dicté par l’intérêt que je porte à mes lectrices et qui répond à mes préceptes d'économie. Vous avez toutes, dans votre garde-robe, soit une robe blanche, soit une robe bleue ou rose, que vous êtes souvent tentées de détruire. Conservez-la soigneusement; à l'aide des patrons et des modèles que vous trouverez, dès maintenant, dans La Famille, vous tirerez de ces vieilles choses des merveilles pour vos mignons. Seront-ils fiers ! Et vous, serez-vous heureuses !